mercredi 31 décembre 2014

En 2014, l'insoutenable a encore été franchi

Cette photo a été prise lors d’une distribution de nourriture dans un camp de réfugiés palestiniens situé aux portes de Damas. Ils sont des milliers à attendre, à quelques mètres des snipers de l’armée de Bachar el-Assad.
Une photo vaut mille morts. Le jeu de mots est trop facile, mais cette photo est obsédante. À juste titre, car on ne doit pas oublier que cela aussi existe.

mardi 25 novembre 2014

Lectures inachevées

Il y a des livres qu'on ne finit pas, qu'on aurait aimé aimer, mais qui arrivent à un moment inopportun. Parmi ceux-là, il y a Les années d'Annie Ernaux. Peut-être faut-il être d'origine française ou avoir vécu en France, étant jeune, pour vraiment apprécier. Les références à l'école, du primaire à l'université, et aux habitudes de vie nous sont essentiellement étrangères.
Bien sûr, elle écrit admirablement bien et je me rappellerai de cette tranche de livre ne serait-ce que pour cette phrase qui résume bien notre époque en évoquant le passé, : « On avait le temps de désirer les choses ».
Dans la catégorie Lectures inachevées, il y a aussi Proust, abandonné après 400 pages, qui me regarde d'un air piteux, mais néanmoins insistant. Barbara Kingsolver, Irene Nemirovsky, Tony Judt et tous ceux que j'ai rapportés à la bibliothèque après les avoir à peine feuilletés. En même temps, que de projets de lecture.
Comme une furieuse envie de lire Jack Kerouac ces temps-ci.

lundi 14 juillet 2014

Les anges gardiens

La Verna, 23 guigno
 
 

La preuve est faite; il existe un ange gardien pour les cyclistes. Abbiamo la prova; ci sono angeli custodi per i ciclisti.
Dommage qu'il n'y en avait pas pour Contador aujourd'hui. Peccato che non fossero per Contador oggi! 

dimanche 6 juillet 2014

Reprenons...

là où j'ai laissé la dernière fois. Non ce n'est pas tout aussi beau, ni tout aussi bien chez nous quand on parle de vélo. Les routes sont souvent trop défoncées, les ponceaux trop apparents, le vent trop virulent, les routes trop droites. Et toutes ces chutes dont on a entendu parler récemment dans les médias donnent à réfléchir. Mais le corps, lui, ne fait pas trop la différence. Il s'adapte. Et la tête suit.


La casa nostra al tramonto
 
 
 

Mais il n'y pas que le vélo dans la vie! Il y a un début juillet fleuri comme jamais. Les rosiers forment une muraille multicolore, les canards, petits et grands, pataugent devant nos yeux et il y de ces couchers de soleil à faire pâlir d'envie n'importe quel peintre paysagiste.


lundi 23 juin 2014

850

C'est le nombre de kilomètres à vélo cette fois-ci. J'ai remisé mon vélo chez Carlo hier après que nous soyons allés à La Verna. C'était dur, comme ça l'est souvent par ici, mais quelle belle façon de conclure le séjour.
Je confirme que je suis un peu né pour faire du vélo en Italie. Malgré la chaleur, les conducteurs fous, l'absence d'accotements, les ronds-points qu'il faut négocier en même temps que des dizaines de véhicules, les voitures qui surgissent de partout, les trous, les bosses, les routes rugueuses, les ascensions interminables, j'en redemande. Je ne connais pas de sensations beaucoup plus agréables que celle de rouler sur une petite route de campagne italienne, le matin tôt, entouré d'odeurs enivrantes et parfois écoeurantes (comme celle des genêts).
J'ai acheté un livre qui répertorie les 50 plus beaux cols d'Europe pour le vélo. J'en ai fait quatre à ce jour. Vaste programme!
J'ai la chance, indéniable, de pouvoir me dire que la semaine prochaine, je roulerai au petit matin entre Saint-Denis et Kamouraska et que ce sera tout aussi beau, tout aussi bien (si le vent n'est pas trop terrible).

jeudi 19 juin 2014

È arrivata la Giostra

Vendredi
Entre le match de soccer Italie-Costa Rica ce soir et la Giostra demain soir, Arezzo ne dormira pas beaucoup. La ville est en effervescence et sera envahie demain par des centaines de participants et figurants habillés en costumes du Moyen-âge. Toute la semaine, des activités ont eu lieu dans les différents quartiers, dont una cena propiziatoria (mot que j'essaie de prononcer depuis trois jours sans y parvenir) dans le quartier Sant'Andrea (mon favori à cause du nom). Un souper très communautaire, très convivial et même solidaire, suivi de la visite du musée du quartier : costumes, tableaux, lances d'or (remises au gagnant de l'épreuve) et souvenirs de toutes sortes.
Un petit film pour voir de quoi il en retourne (https://www.youtube.com/watch?v=VBMSPD4Yivs). C'est du sérieux.
Samedi
La Giostra sera sûrement meilleure que le match de foot d'hier, terne comme le jeu de l'Italie.
Mardi
La Giostra est une fête pour l'oeil. Toute la journée de samedi, les activités se sont succédées. Le retrait de la lance d'or (décernée au gagnant) de la cathédrale, l'annonce de la Giostra par l'araldo (sorte de héraut responsable de l'événement), le défilé dans les rues du centre historique, la bénédiction à l'église Sant'Agustino, de nouveau un défilé et la joute comme telle. Arezzo est littéralement envahie par une foule exubérante. Exubérante aussi est l'assistance; les partisans des quatre quartiers se font voir et entendre sans un temps mort. On se croirait à un match de foot : fumigènes, sifflets de toutes sortes. C'est à la fois bon enfant et délirant.
C'est finalement le quartier où nous habitons qui l'emporte (Sant'Andrea). C'est la fête toute la nuit et ça recommence en septembre.

 

vendredi 13 juin 2014

Occasion d'affaires

Vente et installation de moustiquaires en Italie.
Marché presque inexploité. Clientèle ailée en quantité illimitée.
Le marché des lampes à mouche est également peu exploité. Parlant de lampe à mouches, en voici une description ( https://www.youtube.com/watch?v=W8zB3UIa9g4) (autour de 1:45 minute).

Les moustiques italiens sont déchaînés cette année, car l'hiver trop doux et humide n'en a pas exterminés assez. Revenant ce matin d'un sortie d'une cinquantaine de kilomètres au vallico della Scheggia, j'ai constaté que des centaines d'entre eux étaient venus mourir sur mon armure de cycliste. Ça leur apprendra.
Nathalie, elle, n'a pas d'armure et est sévèrement brutalisée par ces bestioles. Ce n'est pas drôle du tout dans son cas.
Mise à jour concernant les moustiques : Ils semblent s'être calmés, maintenant qu'il fait un peu plus frais et Nathalie s'en porte beaucoup mieux.
Deuxième mise à jour : Elle ne s'en porte pas si mieux que ça. Il lui faut recourir à toute la gamme des chasse-moustiques; c'est à lui faire regretter nos bons vieux maringuoins (j'exagère un peu quand même).
Le coupable serait le pappataci (et non le papparazzi, autre sorte de bestiole nuisible) :

lundi 9 juin 2014

Un dimanche à la mer

Le parc archéologique de Populonia est situé sur un promontoire d'où on peut apercevoir l'île d'Elbe et la Corse (par beau temps). Un site privilégié, bien conservé, ce qui est rare en bordure de mer. Il y a près de 3000 ans, les Étrusques s'y sont installés et en ont été chassés par les Romains quelque six siècles plus tard. On y a retrouvé des traces d'habitations et d'innombrables tombes, signes d'une population nombreuse pour l'époque. Beaucoup d'objets de valeur avaient été au préalable subtilisés par des vandales.




À moins de un kilomètre, les plages sont bondées. Des Africains sûrement débarqués de bâteaux de clandestins passent entre les baigneurs en essayant de vendre leur marchandise, adaptée aux circonstances (serviettes de plages, lunettes de soleil, jouets pour les enfants). Que nous vivons une époque étrange!

Pendant ce temps, à l'intérieur des terres, à Campligia Marittima, les martinets exécutent leur danse. Ils sont des centaines à chasser le moustique. Ils volent à une vitesse moyenne de 112 km/heure et atteignent des pointes de 200 km/heure en plongée, sans jamais se toucher. On a découvert que les martinets pouvaient se retirer pour la nuit à une altitude de cinq kilomètres et que leur cerveau pouvait n'être endormi qu'à moitié, l'autre moitié leur permettant de continuer à s'alimenter, même au repos. Une idée intéressante pour les gourmands.

vendredi 6 juin 2014

L'Abruzzo

 
Ces lieux que nous visitons ne nous marqueraient pas autant s'il n'y avait pas les gens qui y habitent. Les paysages défilent, les visages restent. Dans ce petit village de Decontra où nous avons entrepris notre excursion de trois jours, nous avons rencontré, entre autres, Paolino, un berger-conteur-poète de 88 ans qui a vu tant de choses se passer, tant de gens quitter la région.



Beaucoup d'Abruzzois ont quitté (ils sont nombreux à avoir émigré au Canada) à cause de l'isolement, des tremblements de terre, du froid, de l'incompétence des autorités. Restent les parcs nationaux, les agritourismes, les villages inscrits à la liste des plus beaux villages d'Italie, mais restent surtout une grande gentillesse et, malgré tout, une grande fierté.
Je me rends compte que j'aurais pu aussi bien dire la même chose de la Gaspésie et d'autres régions de chez nous, tremblements de terre en moins.

 
 

 
 
 

Ermite

Au XIIIe siècle. Célestin V a eu le temps de fonder d'innombrables ermitages dans le massif de la Majella, dans les Abruzzes, avant d'être élu pape, à 80 ans passés. Écrasé par les responsabilités et les luttes de pouvoirs, il renonça à sa charge au bout de quelques mois. Benoît XVI sera le second pape à démissionner, 719 ans plus tard.


Nous avons visité quelques-uns de ces ermitages, souvent sous la pluie (sauf le dernier jour, d'où le soleil sur la photo), toujours dans le roc. Ce sont des lieux hors du temps.

mercredi 28 mai 2014

Gran Sasso

Le Gran Sasso est la plus importante chaîne de montagnes des Abruzzes et Rockquiroule s'est senti bien petit dans cette longue montée d'une trentaine de kilomètres parsemés de quelques répits. Je suis arrivé à une altitude de 2 100 mètres après avoir traversé l'immense plateau du Campo Imperatore, assez rugueux mais passablement fleuri en cette saison.


C'était brumeux, humide et assez désert. Et les deux derniers kilomètres de montée sont assez terribles. Un autobus d'Allemands a eu la bonne idée de venir à ma rencontre dans un virage en épingle; j'ai quasiment dû passer en dessous de son miroir.


À l'ombre du Corno Grande, qui fait 2912 mètres, j'ai retrouvé Nathalie avec joie. Ce paysage est à la fois très beau et un peu effrayant.
Là-haut, tout est un peu à l'abandon; il n'y pas grand chose à observer, sauf un observatoire astronomique. Dans un grand bâtiment déglingué, qui sert aujourd'hui de restaurant et d'auberge, Mussolini a été détenu quelque temps après la débâcle de son régime, avant d'être libéré par des parachutistes allemands. Hitler croyait encore en la victoire et pensait que Mussolini lui serait utile. Heureusement, l'histoire en a décidé autrement.

lundi 26 mai 2014

C'est naturel

Normalement, quand on arrive quelque part, à l'étranger, on se sent dépaysé, on a une sensation d'irréel. Pas de ça à Arezzo, où tout est maintenant tellement familier. Même le décalage horaire est familier, un peu comme si tout le monde ici était en décalage, mais pas nous. Un qui se sent chez lui en tout cas, c'est mon vélo. Après avoir passé quatre mois enfermé dans une cave, il était aujourd'hui dans une forme splendide; un peu plus il aurait rué comme une tauraille qui met les sabots dehors pour la première fois au printemps.

Il a profité d'un arrêt pour renouer avec les coquelicots, la chaleur qui exhude des pierres, le chant des criquets, les odeurs de la Toscane et ces oiseaux que je ne connais guère (sauf le coucou). Moi, j'ai l'impression que je suis un peu né pour faire du vélo en Italie, ou c'est peut-être la récompense du cycliste qui se tape les rues défoncées de Montréal et le vent omniprésent du bas-du-fleuve.
Demain, nous partons pour les Abruzzes, une des régions les plus vertes d'Europe. Le touriste devrait s'y faire assez rare.

Mon «terrain de chasse» habituel

samedi 24 mai 2014

Coucou!




 
Quand on part quelque part, on apporte toujours un peu de ceux qu'on aime; tu fais maintenant partie de ceux-là, Camille.

vendredi 25 avril 2014

Retour sur terre

Il a fini par descendre de son piédestal (neigestal?), mais ça a été long. Neige, pluie, vent, sable, boue. Chaque kilomètre fait à cette période de l'année est mérité. La vraie saison commence (on est presque en mai!).

lundi 7 avril 2014

Histoire de dette

« L'histoire montre que le meilleur moyen de justifier des relations fondées sur la violence, de les faire passer pour morales, est de les recadrer en termes de dettes; cela crée aussitôt l'illusion que c'est la victime qui commet un méfait. »

Vaste programme que de faire l'historique de la dette sur 5000 ans. C'est ce que tente l'auteur de ce livre, David Graeber, anthropologue anarchiste et inspirateur du mouvement Occupy Wall Street, en écorchant au passage bien des idées reçues, entre autres celle voulant que le troc ait été à la base de la création de la monnaie et de l'économie telles que nous les connaissons.

Ce livre foisonnant, par moments étourdissant, emprunte à l'anthropologie, à l'histoire, à l'économie et à l'étymologie. À elle seule, la bibliographie fait 75 pages. Le résumer est donc pratiquement impossible. Notons quand même quelques idées essentielles.
 
L'endettement est une construction sociale fondatrice du pouvoir et l'histoire de la dette en est une de guerre, de violence, de vol et d'esclavage. Et le système se perpétue aujourd'hui, avec moins de violence mais tout autant de puissance. Il est tenu pour acquis que lorsque les choses vont mal, ce sont les débiteurs qui sont en cause. Pourtant, qu'en est-il des institutions financières qui ont consenti des emprunts colossaux à des pays dirigés par des malfaiteurs et des dictateurs qui se sont enrichis aux dépens de l'immense majorité de leur population pauvre, laquelle ne profite même pas de l'argent emprunté qu'elle doit pourtant rembourser? En de rares occasions, la dette de certains pays a été effacée. Geste noble de la part des grandes puissances? Non, simple calcul que faisaient déjà les rois mésopotamiens (3000 ans avant Jésus-Christ) : Si l'on veut éviter l'explosion sociale, il faut savoir « effacer les tablettes ».

Si l'économie des pays occidentaux a été et demeure si florissante, elle le doit très largement à l'esclavage. La richesse s'est constituée grâce au travail de millions d'esclaves, privés de leur droit d'existence. À aucun moment, le capitalisme n'a été organisé en recourant essentiellement à une main-d'oeuvre libre. Nous vivons aujourd'hui une autre forme d'esclavage, beaucoup moins violent, mais un esclavage quand même, qui explique que nous devions travailler toutes nos vies pour rembourser nos dettes.

Il est étrange qu'en anglais le terme redemption signifie à la fois rédemption et remboursement : nos péchés sont rachetés et notre dette, remboursée. Ou que les mots guilt (culpabilité en anglais) et geld (argent) en allemand aient la même origine. La dette et l'argent sont associés à la culpabilité, celle des débiteurs désargentés.

« Comme nul n'a le droit de nous dire ce que nous valons, nul n'a le droit de nous dire ce que nous devons. »




dimanche 6 avril 2014

I Quebecchesi non capiscono*


Domani, ci sarà un’elezione in Québec. Il governo minoritario del Parti Québécois ha vinto l’ultima elezione, 18 mesi fa. La prima ministra, Pauline Marois, ha deciso di indire un’elezione per raggiungere la maggioranza e avere il margine necessario par applicare il suo programma politico. All’inizio della campagna, il Parti Québécois aveva il vantaggio nei sondaggi d’opinione, pero dal momento in cui si è cominciato a parlare dell’indipendenza e del referendum, un argomento del quale il Parti Libéral ha aproffitatto abbondantemente, l’indice di popolarità del Parti Québécois si è abassato rapidamente.

Tutto ha cominciato quando Pierre-Karl Péladeau (il « Berlusconi » quebecchese dicono alcuni) ha annunziato la sua candidatura per il Parti Québécois e ha fatto una professione di fede nell’indipendenza del Québec. Alla fine della conferenza stampa, ha alzato il pugno per dimostrare la sua fiducia nella causa, un gesto che nemmeno gli strateghi del partito avevano previsto. 

Secondo i sondaggi successivi, questo simplice gesto, questo pugno, ha fatto cambiare idea al 10 per cento (forse di più) dell’elettorato che ha deciso di appogiare il Parti Libéral o l’altro partito importante, la CAQ. Quindi, un pugno alzato e qualche frase sono stati sufficienti per fare cambiare idea a tanta gente? Questo dimostra bene la mancanza di convizione di molti Quebecchesi.

La maggioranza dei Quebecchesi hanno paura della indipendenza anche se abbiamo tutto per essere un paese, forse tanto come i paesi scandinavi e sicuramente come la Catalogna e la Scozia. Abbiamo paura e preferiamo lasciare altri decidere per noi. Ci basta essere una voce debole nel mondo, senza la credibilità necessaria per avere un’influenza riguardo ad argomenti importanti come l’ambiente, la giustizia sociale, la lingua e la cultura.

Abbiamo dimenticato che all’inizio l’indipendenza era un sogno bellissimo. Oggi il sogno sembra morto. Siamo tutti responsabili. Abbiamo scelto il comfort invece dell’incertezza, la frenesia consumatrice invece della solidarietà. Anche Il Parti Québécois è responsabile del crollo di questo sogno. Ha fatto molte errori. Ci ha proposto un’indipendenza contabile e una carta dei valori basata su motivi elettorali. Ha fatto molte promesse soltanto per vincere l’elezione.

Sono deluso come tanti altri. I Quebecchesi preferiscono la corruzione invece dell’affermazione. Non capiscono que abbiamo tutto per fare un paese, tranne la voglia, la coscienza, il coraggio e l’apertura.

Nel Gattopardo di Giuseppe Tomasi di Lampedusa, il protagonista principale, il principe Fabrizio dice: Tutto deve cambiare, perché nulla cambi. Tout doit changer pour que rien ne change. Siamo arrivati a questo punto.

* Les Québécois ne comprennent pas et ce n’est pas à cause de l’italien.

samedi 29 mars 2014

Printemps





Pendant ce temps, massés à la frontière, des millions d'oiseaux attendent en rangs d'oignons, brindilles à la patte, prêts à fondre sur le Québec comme des hordes de barbares. S'ils arrivent le 7 avril, on dira qu'ils sont des oiseaux de malheur.
Mais ils arriveront avant et le premier carouge, le premier merle fera résonner une corde sensible, comme à chaque fois.

vendredi 24 janvier 2014

Où nous verrons que Barack Obama est un prince comme les autres

Le choix d'Obama
(adapté du blogue Why Nations Fail (21 janvier 2014) par Daron Acemoglu et James Robinson).

«Je reste convaincu que les peuples sont sujets à moins d'erreurs que les princes, et qu'on doit se fier à eux bien plus sûrement qu'à ces derniers.» (Machiavel)

Le président Obama a prononcé récemment un important discours au sujet du gigantesque programme de collecte de métadonnées de la National Security Agency (NSA).

Fidèle à son habitude, Obama a parlé avec éloquence et mesure; il s’est dit pleinement conscient des préoccupations entourant les libertés civiles et de la nécessité de mener des vérifications sur le travail de la NSA.

En réalité, toutefois, Obama semble avoir fait le choix de n’imposer aucune limite à la NSA quant à la collecte des métadonnées et l’accès à celles-ci.  

Des vérifications seront faites et les métadonnées continueront vraisemblablement de résider sur les serveurs des sociétés privées de téléphone et d’Internet, mais il semble exclu d’empêcher la NSA d’accéder à ces données ou de restreindre sa capacité de recueillir l’information.

Obama est même allé encore plus loin en exprimant son soutien inconditionnel à la NSA et aux services de renseignement. Il n’a rien appris, a-t-il dit, qui puisse donner à penser que le renseignement ait sciemment enfreint la loi ou se soit comporté de façon cavalière à l’égard des libertés civiles.

Cette déclaration suscite une certaine incrédulité, quand on sait que la NSA et les services de renseignement ont clairement agi de façon cavalière en matière de libertés civiles, ont tenté de brouiller les pistes et ont menti à répétition.

Ainsi, avant les révélations faites par Edward Snowden, le directeur de la NSA, le général Keith Alexander, a déclaré que les informations selon lesquelles la NSA détenait des données sur des millions ou des centaines de millions de personnes étaient complètement fausses.  

Devant un comité du Sénat, le directeur du renseignement national, dont le rôle consiste à superviser les activités de la NSA, de la CIA et de la myriade d’organismes américains du renseignement, a démenti catégoriquement que la NSA recueillait des données, de quelque nature que ce soit, sur des millions d’Américains.

Quoi qu'il en soit, la déclaration du président Obama n’est guère surprenante quand on la juge à l’aune des antécédents de son administration en matière de libertés civiques.

Elle est cependant extrêmement étonnante pour quiconque a suivi l’ascension météorique d’Obama jusqu’à la présidence.

Au début des années 2000, Obama se posait en ardent défenseur des libertés civiles. En 2003, alors candidat à un poste de sénateur, il dénonçait avec virulence le Patriot Act, le qualifiant d’odieux et de dangereux.

Le tournant dans la carrière d’Obama a été le discours émouvant qu’il a prononcé lors de la Convention démocrate en 2004. Il s’est alors attaqué dans les termes les plus vifs au Patriot Act, en particulier à l’article 215 sur l’accès aux dossiers personnels. Paradoxalement, cet article allait devenir plus tard la principale justification de la gigantesque opération de collecte de données menée par la NSA sur des citoyens américains et étrangers.

Une fois élu sénateur, il a été coparrain du projet de loi intitulé Security and Freedom Enhancement Act, qui devait limiter la portée de l’article 215 du Patriot Act, voire l'enterrer. Dans un autre de ses discours brillants, il a clairement manifesté son opposition à cette loi en affirmant devant les autres sénateurs qu’elle portait gravement atteinte aux droits des Américains et aux idéaux qu’ils chérissent.

Puis, tout a changé quand Obama est devenu président; il a soudainement oublié ses doutes et ses préoccupations au sujet du Patriot Act et des libertés civiles et a abandonné tout scrupule pour soutenir l’ensemble des programmes de renseignement. 

Que s’est-il donc passé?

Il a y trois réponses possibles et se pencher sur chacune d’elle peut nous aider à déterminer si nous pouvons nous fier sur l’État et sur les responsables politiques pour protéger nos libertés civiles.

La première réponse est qu’après s’être installé à la Maison-Blanche, Obama a eu accès à des informations qui lui étaient inconnues pendant qu’il était sénateur et qui l’ont convaincu de ne pas s’inquiéter au sujet des libertés civiles et de laisser carte blanche aux services de renseignement.  

La deuxième est que les scrupules d’Obama s’appliquaient aux autres dirigeants. Une fois au pouvoir, il est devenu beaucoup plus conciliant à l’égard des infractions aux libertés civiles. Autrement dit, Obama est devenu un rouage de l’État et le contrôle de l’information et du pouvoir est inscrit dans les gènes de l’État.

Troisième réponse, enfin, Obama n’a pas totalement mis au rancart ses inquiétudes et ses doutes, mais a d’abord pensé à sa carrière : tous les fonctionnaires ou responsables politiques craignent de faire des choix qui entraînent des résultats désastreux, surtout si ces choix les rendent responsables d’un échec aux yeux du public. Toutefois, l’incapacité à agir pour prévenir un échec est jugée tout aussi sévèrement. Il en découle une tendance naturelle à adopter des mesures préventives énergiques. Vu l’impact que pourrait avoir une attaque terroriste majeure contre des Américains sur l’héritage politique d’un président, la tentation est très forte de soutenir les activités secrètes de la NSA ou de la CIA qui visent en principe les terroristes, mais qui dans les faits briment les libertés civiles et accroissent le pouvoir de l’État sur ses citoyens.

Nous jugeons la première réponse peu convaincante; l’explication la plus probable se situe probablement entre la deuxième et la troisième.

Mais peu importe la réponse, une conclusion plutôt cynique peut être tirée de cet exercice. Dès qu’il accède à un poste de pouvoir suprême, tout individu, aussi honnête et modéré soit-il, est susceptible de se comporter exactement comme n’importe quel autre puissant dirigeant et d’appuyer la mainmise de l’État sans se préoccuper des libertés civiles.

Si cela est vrai, nous serions bien naïfs de nous attendre à ce que l’État puisse s’autocontrôler.

Un État dont les pouvoirs sont encadrés agit de façon responsable envers les citoyens et la société civile et respecte les libertés civiles. Mais il ne le fait pas de son propre gré; il le fait parce que la société l’y oblige.

Dans ce cas, Obama ne lui pardonnera pas et ne le remerciera pas, mais nous devrions peut-être tous remercier Edward Snowden.

Si vous vous êtes rendu jusqu'à la fin de ce billet et je vous dis bravo.

Maintenant deux suggestions :

La première, une lecture à éviter : Le rêve de Machiavel, de Christophe Bataille.
Roman dans lequel Machiavel fuit la peste et la terreur. À mon avis, c'est ce roman qu'il fuit. Une phrase glanée au hasard : « Il récite de longs poèmes sans plus savoir si les mages ont parlé, ou les philosophes, ou les alchimistes, ou les chèvres ou les ânes... » Hi-han!
A-t-on envie de lire un roman qui commence comme ceci : « Il n'y a pas de Renaissance, il n'y a pas de temps anciens mais il y a dit-on des images secrètes.»? Je ne suis guère allé plus loin.

La deuxième, à voir, si vous passez par Florence d'ici la fin février, l'exposition La via al Principe à la Bibliothèque nationale de Florence qui souligne le 500e anniversaire de la publication du Prince. Manuscrits, enluminures, textes explicatifs. On en apprend beaucoup sur le parcours politique et littéraire de Machiavel, sur les bouleversements politiques qui ont secoué Florence et sur l'extraordinaire progression des arts et de la connaissance à la Renaissance.
(  http://www.iviagginellastoria.it/fr/rubriche-2/mostre-ed-eventi/8832-la-via-al-principe-niccol%C3%B2-machiavelli-da-firenze-a-san-casciano.html)

lundi 13 janvier 2014

Florence et l'intelligence

Deux autres visites à Florence, une ville, me suis-je dit, qui rend plus intelligent tellement elle est riche d'art et d'histoire. Son maire, Matteo Renzi, qui vient d'être élu secrétaire national du Parti démocrate, présentement au pouvoir, incarne cette intelligence avec une assurance qui confine, de l'avis de certains, à l'arrogance. Nos amis d'Arezzo trouvent les Florentins arrogants et dominateurs. L'histoire des deux villes est étroitement liée depuis une dizaine de siècles et, à la fin, c'est toujours Florence qui gagne.

Que dire sur Florence qui n'a pas déjà été dit? Inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, elle compte 70 musées et 6 000 monuments historiques, de quoi attraper le tournis (ou le syndrome de Stendhal). À chaque fois, nous découvrons de nouvelles merveilles. Cette fois-ci, la chapelle des mages au Palais Medici-Riccardi (http://fr.wikipedia.org/wiki/Chapelle_des_Mages) :

 
 
L'église de San Miniato, qui surplombe la ville :
 
 
Et Florence, la nuit :
 
 
 


jeudi 9 janvier 2014

Une affaire de climat?

Pendant qu'au Québec, la température s'est amusée à se promener d'un extrême à l'autre, elle a été en Toscane d'une exemplaire régularité. Bien sûr, tout ne peut se résumer au climat, mais des conditions climatiques aussi généralement favorables ont certainement une influence bénéfique sur le tempérament et la qualité de vie. Plus j'y pense et plus j'estime que la Toscane n'a pas tant de mérite, elle est tout simplement très très avantagée par la nature; le reste suit alors plus facilement.
Le brouillard a été omniprésent toute la semaine dernière. À un certain moment, j'ai roulé une bonne trentaine de kilomètres dans la poisse, sans rien voir du paysage, les lentilles de mes lunettes constamment embuées, les mains engourdies, sans trop savoir où j'allais. Puis, j'ai rejoint Castiglion Fiorentino et la Foce (une de mes montées préférées) quand tout à coup :

 
La mer de brouillard dans laquelle je ramais s'est dissipée et a laissé place à un soleil resplendissant. L'hiver, tel que nous l'avons vu, n'a donc rien des rigueurs du nôtre. Il s'apparente plus à un état de dormance.
 

La vigne est prête à être taillée. Les olives ont été récoltées en novembre et décembre et, partout, on trouve de l'huile d'olive nouvelle (« olio nuovo »). On nous en a d'ailleurs abondamment offert, au point où nous sommes revenus avec près de quatre litres dans nos bagages. Il aurait suffi qu'une seule des bouteilles éclate ou fuit pour provoquer une catastrophe, mais un emballage méticuleux effectué par Nathalie a permis de l'éviter.

La vigne, l'olivier et le cyprès, les trois éléments indissociables du paysage toscan. Au loin, Arezzo et la mer de brouillard. 

 
Pienza, Montepulciano, l'abbaye Monte Oliveto Magiore, San Quirico, le Chianti (qui porte parfois le vocable ironique de Chiantishire en raison de la présence de plus en plus grande des Britanniques), d'autres lieux à emmagasiner dans notre boîte à souvenirs italienne. 
 
 

 
 


dimanche 5 janvier 2014

L'Italie sans dessus dessous (mais surtout sans dessous) (7)

La soirée du 31 décembre a été fort agréable et nous avons eu droit à un repas traditionnel en plusieurs parties aussi bonnes les unes que les autres (avec mention spéciale aux pâtes avec pesto de pistaches et pancetta). Un peu avant minuit, nous avons regardé le décompte de la fin d'année à la télé, puis avons fait nos voeux et débouché le mousseux. Rien de trop dépaysant, si ce n'est que pendant ce temps, à la télé, le spectacle se poursuivait, quelque part dans le val d'Aoste, avec force chansons américaines et, surtout, force jeunes filles chichement vêtues. Un spectacle en apparence inoffensif, mais qui serait impensable chez nous. Côté utilisation du corps de la femme, le Québec et l'Italie sont en effet très loin. Le contraste est également frappant dans la rue où on aperçoit un grand nombre de femmes, jeunes et moins jeunes, perchées sur des talons aiguilles vertigineux. On les voit tentant d'échapper aux sournoises dénivellations des dalles, comme si chaque pas était un défi à la loi de la gravité.
Il y a un paradoxe italien : comment un peuple qui a donné au monde tant de richesses artistiques et tant de savoir et qui représente peut-être ce que la civilisation a fait de mieux peut-il tolérer qu'une partie de sa population féminine se déguise en prostituées de luxe? Comment peut-il tolérer une télévision aussi abrutissante où se côtoient femmes à demi nues et faux débiles mentaux, des leaders politiques aussi médiocres et corrompus, autant d'agressions à la beauté du paysage?
L'Italie est peut-être tout simplement fatiguée. Fatiguée de tant d'art, de tant d'histoire, de tant de culture. Sans compter qu'elle a eu sa part de catastrophes naturelles, de guerres sanglantes et d'horreurs criminelles et terroristes. Elle a peut-être tout simplement envie d'aller s'étendre sur la plage et qu'on lui fiche la paix. Les Italiens sont finalement assez déroutants; qui pense bien les connaître se fourvoie très certainement. L'Italien enflammé, rieur, bon vivant, accueillant, en cache un autre, plutôt désabusé et assez fataliste.
Néanmoins, s'il y a quelque chose qu'il faut retenir d'un séjour en Italie pendant la période des fêtes, c'est bien l'attachement à la tradition, tradition religieuse, symbolique, culinaire, artistique. Malgré ce qui précède, on a l'impression que rien ne peut amener les Italiens à en déroger. Crise ou pas, les rues sont bondées et les commerçants semblent faire des affaires d'or, du moins à Arezzo.
Dernière tradition en lice (avant le retour au calme en janvier et février), la Beffana (dont le nom provient de la déformation du mot Epifania), sorcière qui distribue gâteries aux enfants sages et qui supplante même le père Noel en certains lieux. Ni talons aiguille, ni manteaux de (simili) fourrure (à +12 degrés) dans son cas, mais un bon vieux balai.